Chers disparus

Un homme de vertus, pour moi presqu'un héros
Aussi intelligent que solide et beau
C'était dans sa splendeur mon père et le modèle 
Auquel quand j'étais jeune je voulais être fidèle.

La maladie l'a pris, elle l'a frappé, sournoise
Dans ce cerveau brillant, elle lui a cherché noise
Quand je l'ai vu atteint pour finir grabataire
J'en ai alors voulu à la terre entière.

Une vie exemplaire d'un homme plein de coeur
Garant pour sa famille, veillant sur son bonheur
Un homme de culture qui regardait le monde
Avec lucidité, et critique féconde,

Terrassé sans raisons, abattu sans façons
Par une maladie dont on taisait le nom
Rien que sa consonance laisse un goût amer
Je crois bien qu'on l'appelle de ce nom d'Alzheimer.

Je l'ai vu allongé, bafouillant, inconscient
Était ce encore mon père que ce corps indécent 
J'ai du mal à gommer dans mon esprit présent
Une image qui n'est pas, ce père de moi enfant.

Une femme énergique, cultivée, volontaire
Une femme à la fois citoyenne et mère 
Qu'on n'a jamais surpris même un genou à terre
Qui aimait les auteurs, cuisiner et bien faire.

La vie ne lui a fait pas beaucoup de cadeaux
Elle lui a pris la vue, l'ouïe et une ado
Malgré ces coups du sort, elle a gardé bien haute
Toute sa vie sa tête, sans commettre de fautes.

Une vie exemplaire d'une femme de coeur
D'une femme faisant à sa famille honneur
Une femme étonnante mélange de candeur
Et de force aimable sans même de rancoeur.

Je l'ai vue néanmoins abattue bêtement 
Une chute nocturne, un coma lentement
Et ses derniers soupirs dans mes bras impuissants
Je ne savais plus bien si c'était ma maman.

Je suis devenu vieux, mais bien toujours je beugle
Contre toute l'injustice de fins imméritées 
Je le sais bien pourtant que la mort est aveugle
Qu'elle est ignorante, qu'elle est sans pitié.

Je dis à mes parents auxquels je pense encore
Vous êtes mes héros et vous me rendez forts
Tous ceux qui vous aimaient, ils vous aiment encore
Vous restez des exemples au delà de la mort.