Intensément.

Mais que sert de courir quand le temps nous rattrape
Et qu’il tend devant nous tôt ou tard une trappe ?
Depuis qu’on appartient au théâtre du monde
Il n’y a de supplément, pas même une seconde.

Comment vouloir alors précipiter les choses
Sauf dans le cas bien sûr où la menace est là ?
Pourquoi se dérober à nos destins de roses
Et ne vivre au mieux de la vie chaque éclat ?

Les dire avec des mots c’est les vivre deux fois. 
Une fois pour goûter, si on en fait le choix
Une autre à dessein pour se remémorer 
Le plaisir éprouvé et le ressusciter.

Alors on comprend mieux tout ce qui s’est passé 
On n’est plus le jouet de ses sens agacés.
On saisit bien l’instant que l’on met en mémoire
Comme on met du beau linge, bien rangé, dans l’armoire.

Et quand il reviendra un moment analogue
On trouvera alors dans ce grand catalogue
La richesse subtile dont il est tout empli
Le bonheur de le vivre sera mieux accompli.

Ami, vois-tu, sache, surtout prendre le temps 
D’observer, de goûter, de comprendre les choses
Sans cette attention, tu ne vivras ton temps 
Pas plus intensément que ne le vit la rose.