Rémission.

Dans la pisse jaunâtre des lumières des docks
Des silhouettes sombres avancent à grand bruit
Quelques marins tardifs après leurs derniers bocks
Regagnent enfin leur bord à la fin de la nuit.

À gorges déployées, ils rient et ils éructent 
Quand ils voudraient chanter de leurs voix de brute
Mais le pas hesitant ils tanguent plus qu’en mer
Et crient après les femmes, d’aller voir en enfer.

Le jour venu pourtant c’est tous à la manœuvre 
Dans le froid et le sel, l’océan est à l’œuvre 
Pour gagner leur pitance des filets à tirer
Des poissons à trier, des palans à guider.

Si peu de rémission pendant des mois durant
Des hamacs de fortune, des vêtements mouillés 
Des rations monotones, et puis des dérouillées 
Lorsque l’orage tonne, que l’estomac se rend.

Rien de romantique lorsque les éléments 
Se déchaînent sans frein, que le temps est dément.
Sur des tableaux antiques le marin paraît grand
La lutte n’est épique pour qui en sort vivant.

Accordez aux marins ce droit à la débauche
On en connaît si peu qui pour la mer embauchent.
Après tant de moments où c’est en parenthèses
Qu’ils mettent leurs espoirs de prendre enfin leurs aises.