Une dernière danse.

Il git abandonné au milieu des grandes herbes
Pour dire son triste sort trouverai-je les verbes
Il n’avait jusque là vécu en solitaire
Sur mille et une routes où d’habitude il erre.

Qui a pu le jeter dans ce lieu isolé 
Qui a pu à ce point ainsi le mépriser ?
Longtemps pourtant sur lui il avait pu compter
Cette triste histoire puis-je la raconter ?

Il habillait jadis le pied d’un vagabond
Mais il était solide et ses crampons profonds
Que pourtant l’autre usait sans trop de précautions 
Tout au long des chemins et en toutes saisons.

Il était bien ciré à présent craquelé 
Il n’est plus que cette ombre de tout ce qu’il était
Son lacet coupé ne peut être noué 
Sa semelle enfin est un peu décollée.

Si pour le vagabond ce fut un jour de chance
Cette fois où soudain de l’argent on lui lance
Ainsi que des chaussures toutes neuves je pense
Auxquelles il ne put que faire alors confiance.

Sur le bord du chemin il s’est débarrassé 
De ses vieilles chaussures et sans plus de procès 
Derrière lui sans voir il les a balancées
L’une est tombée à terre, l’autre s’est accrochée 

Depuis quand le vent souffle un soulier se balance
Tandis que l’autre à terre muet dans sa souffrance
Appelle de ses vœux que se casse la branche
Pour faire avec son frère une dernière danse.